Allocution du Procureur, Serge Brammertz, devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Serge Brammertz, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « TPIY ») et Procureur du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (le « MTPI ») a pris la parole aujourd’hui devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Le Procureur a commencé par rendre compte au Conseil de l’avancement des travaux de son Bureau pour le MTPI. Le Bureau du Procureur du MTPI, a-t-il, a continué de travailler dans l’affaire Stanišić et Simatović, dans laquelle le procès est en cours, et dans les procédures en appel ouvertes dans les affaires Karadžić et Šešelj. En ce qui concerne la recherche des huit derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Procureur a déclaré que son Bureau travaillait sur un certain nombre de nouvelles pistes, tout en examinant et en explorant celles qui avaient été identifiées dans le passé mais n’avaient pas été suivies plus avant.
Le Procureur a ensuite évoqué la fermeture prochaine du TPIY à la fin du mois. Il a souligné que son Bureau s’était efforcé durant 24 ans de remplir la mission que le Conseil de sécurité lui avait confiée. « Grâce au Conseil, a-t-il dit, nombre de victimes et de survivants ont, au moins pour une part, obtenu justice pour les torts immenses qui leur ont été causés. » Le Procureur a ajouté : « Nous pensons avoir atteint des résultats crédibles. Et nous espérons que le Conseil de sécurité jugera que nous avons apporté une importante contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales. »
Le Procureur a expliqué que son Bureau avait présenté un rapport final dans lequel étaient exposés en détail les réussites, les enseignements tirés et les domaines dans lesquels les résultats n’avaient pas été à la hauteur des attentes des victimes. Il a souligné le soutien essentiel apporté par le Conseil de sécurité de l’ONU et par la communauté internationale, en déclarant : « Nos résultats montrent que s’il y a une véritable volonté politique de voir les responsabilités établies, et si la communauté internationale parle d’une seule voix, ceux qui portent la responsabilité la plus lourde pour des violations graves du droit international humanitaire auront à répondre de leurs crimes. »
Le Procureur a ensuite évoqué sans ambages l’absence de réelle réconciliation entre les pays issus de la Yougoslavie, en faisant observer que « [d]es personnes condamnées pour crimes de guerre continu[ai]ent d’être considérées par beaucoup comme des héros, tandis que victimes et survivants [étaient] ignorés et déboutés ». « La réalité, a-t-il expliqué, est qu’il n’y a toujours pas, dans la région, de véritable volonté de reconnaître les immenses méfaits commis dans le passé et d’aller de l’avant, surtout — et c’est navrant — parmi les dirigeants politiques. » Dans son allocution devant le Conseil de sécurité, le Procureur a regretté que « trop de personnes écoutent les criminels de guerre qui se cachent derrière la responsabilité collective ».
Le Procureur a dénoncé cette attitude, en soulignant que « les crimes n’ont pas été commis par des nations ou des peuples, mais par des individus et, avant tout, par des dirigeants politiques et des chefs militaires de haut rang ». Il a tenu a dire haut et fort une nouvelle fois ceci : « [A]ucune communauté ne porte la responsabilité de ce que ces hommes ont fait. La culpabilité est la leur, uniquement la leur. » C’est pourquoi, a-t-il soutenu, « bien que la justice ne puisse à elle seule aboutir à la réconciliation, elle en est une condition essentielle ».
Se tournant vers l’avenir, le Procureur a déclaré : « Il ne fait aucun doute qu’il reste encore beaucoup à faire. Nombre de victimes, toutes communautés confondues, attendent encore que justice soit rendue. » Il a en appelé à ses partenaires dans les pays issus de la Yougoslavie pour qu’ils aident à construire une vision commune du passé récent. Le Procureur a demandé instamment que le soutien aux institutions judiciaires nationales chargées des poursuites pour crimes de guerre se poursuive. « Pour que nos collègues des institutions nationales réussissent, a-t-il dit, il faut qu’ils reçoivent le même soutien que celui dont mon Bureau a toujours bénéficié de la part du Conseil, de l’Organisation des Nations Unies et de ses États Membres. »
Pour finir, Serge Brammertz a déclaré que servir en tant que Procureur du TPIY pendant ces dix dernières années avait été un privilège, et a remercié le Conseil « d’avoir apporté le soutien nécessaire pour arrêter tous les fugitifs et conduire à bonne fin les dernières affaires dont le Tribunal était saisi ». Il a conclu en disant qu’en tant que Procureur du Mécanisme, il avait pris l’engagement d’aider les pays issus de la Yougoslavie à aller de l’avant et, plus particulièrement les parquets nationaux qui sont désormais les premiers chargés de traduire davantage de criminels de guerre devant la justice.