Allocution du Procureur Serge Brammertz devant le Conseil de sécurité de l’ONU

Bureau du Procureur
Arusha, La Haye
Procureur Serge Brammertz

Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), a aujourd’hui pris la parole devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour présenter les travaux du Bureau du Procureur (le « Bureau »).

Le Procureur a commencé par informé le Conseil que le Bureau a conclus son important mandat de diligenter les poursuites dans les dernières affaires héritées du TPIR et du TPIY.

Le Procureur Brammertz a noté le jugement de la Chambre d’appel dans l’affaire Stanišić et Simatović rendu le 23 mai 2023, et dans lequel la Chambre d’appel a retenu les arguments de son Bureau montrant que Jovica Stanišić et Franko Simatović étaient pénalement responsables en tant que participants à une entreprise criminelle commune visant à procéder à un nettoyage ethnique dans de vastes portions du territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Reflétant sur les affaires poursuivies pour les crimes perpétrés dans l’ex-Yougoslavie, le Procureur Brammertz a souligné que les coupables principaux étaient « de hauts responsables au sommet du pouvoir qui ont incité à la haine et suscité la peur, et déclenché des violences inqualifiables pour réaliser leurs objectifs politiques. » En outre, il a insisté que la leçon la plus importante est que « ce ne sont pas les Serbes, les Croates ou les Bosniaques qui sont coupables. Ces crimes ont été l’œuvre d’individus. Et ce sont ces individus, provenant de tous les groupes ethniques, que nous avons fait juger et déclarer coupables. »

Concernant la clôture du dossier Kabuga, le Procureur Brammertz a proclamé, « Mon Bureau, et tous ceux qui ont foi en la justice, ne peuvent que ressentir un très grand mécontentement », reconnaissant que « les victimes et les rescapés des crimes commis par Félicien Kabuga n’ont pas obtenu la justice qu’ils méritaient. » Il ajouta que bien que Kabuga ne rendra pas de comptes, « nous avons le pouvoir de veiller à ce que d’autres criminels soient jugés, en particulier ceux qui continuent de se cacher au sein de diasporas à travers le monde. » A cet égard, le Procureur Brammertz a informé le Conseil de sécurité que le 14 novembre 2023, son Bureau a présenté ses conclusions concernant le décès du fugitif Aloys Ndimbati, et que le Bureau anticipe de pouvoir retrouver les deux derniers fugitifs – Ryandikayo et Sikubwabo – en 2024.

Se tournant vers l’avenir, le Procureur Brammertz a rendu compte au Conseil de sécurité du travail important de son Bureau qu’est l’assistance apportée aux autorités nationales dans le cadre des enquêtes, des poursuites et des procès concernant ceux qui ont commis des crimes pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et durant les conflits en ex-Yougoslavie. Le Procureur Brammertz a expliqué que l’exécution de ce mandat représentera la priorité du Bureau a l’avenir, et que ce travail est la manière dont son Bureau concrétise « l’ambition du Conseil de sécurité, qui voulait que les juridictions nationales héritent de toutes les responsabilités du TPIR et du TPIY. »

Il a remarqué qu’au cours des dernières années, le Bureau a reçu plus de 300 demandes d’assistance par an. Il a également noté que les procureurs nationaux au Rwanda et dans les pays de l’ex-Yougoslavie ont fréquemment souligné que l’assistance du Bureau est essentielle afin de leur permette d’obtenir plus de justice pour d’avantage de victimes et de survivants.

Le Procureur Brammertz a exposé les trois formes d’assistance fournies par son Bureau. Premièrement, le Bureau offre un accès aux éléments de preuve et aux informations que renferme sa collection d’éléments de preuve, qui totalise plus de 11 millions de pages et des milliers d’heures de documents audiovisuels. Deuxièmement, faisant fond sur ses solides compétences spécialisées, le Bureau offre une assistance en ce qui concerne un large éventail de questions juridiques, liées aux éléments de preuve, aux poursuites et à la stratégie, notamment la préparation de dossiers d’instruction destinés aux parquets nationaux pour répondre à des lacunes urgentes en matière d’établissement des responsabilités en rapport avec des affaires du TPIR, du TPIY et du Mécanisme. Et troisièmement, le Bureau offre sur demande un appui spécialisé aux parquets nationaux pour des personnes qui se soustraient à la justice au Rwanda et dans les pays issus de l’ex-Yougoslavie.

Pour conclure, le Procureur Brammertz a rappelé que le 9 décembre a marqué le 75eme anniversaire de l’adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Remarquant que les tribunaux ad hoc ont jugé avec succès les auteurs de crimes de génocide commis au Rwanda et en ex Yougoslavie, il a souligné, « Il n’y a pas de date de péremption pour l’obligation qu’a la communauté internationale de juger les auteurs de crimes de génocide. S’il est vrai que les procès internationaux concernant les crimes commis au Rwanda et en ex Yougoslavie sont aujourd’hui terminés, les parquets nationaux poursuivent notre œuvre dans leurs tribunaux. » Le Procureur Brammertz a aussi expliqué qu’en outre du soutien apporté par son Bureau, « chaque État Membre a la responsabilité et la possibilité de jouer un rôle en apportant son entière coopération et un appui concret. » Il a également attiré l’attention sur la question de la négation du génocide, commentant « Nous devons également reconnaître que la négation est le pis-aller de l’idéologie génocidaire. Elle vise à effacer à la fois les victimes et les crimes. Dès lors, même si nous devons continuer de rechercher et de punir les auteurs des crimes, il nous incombe également de veiller à ce que la vérité soit défendue et promue. »