Déclaration de Serge Brammertz, Procureur du MTPI, concernant l’appel du jugement rendu dans l’affaire Šešelj
Après avoir examiné les motifs écrits donnés par la majorité de la Chambre de première instance pour justifier l’acquittement de Vojislav Šešelj de tous les chefs retenus contre lui, mon bureau a décidé d’interjeter appel du jugement. Compte tenu des erreurs graves que nous avons identifiées dans le jugement de la majorité, nous soulignons, à l’intention des victimes des crimes, que l’appel à venir est la priorité absolue de mon bureau.
Ainsi qu’il sera expliqué plus en détail dans notre acte d’appel, nous considérons qu’il y a eu un manquement fondamental de la part de la majorité à s’acquitter de sa fonction judiciaire. La majorité ne s’est pas prononcée comme il convient sur des aspects essentiels de la thèse de l’Accusation. Entre autres, elle n’a pas examiné une grande partie des éléments de preuve versés au dossier ; elle n’a pas suffisamment motivé ses conclusions ; elle n’a pas correctement appliqué la norme de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ; elle n’a pas examiné les chefs retenus contre Vojislav Šešelj à la lumière du caractère généralisé des crimes établis ; elle n’a pas établi de distinction entre l’objectif politique ultime des membres de l’entreprise criminelle commune et les moyens criminels mis en œuvre pour le réaliser ; elle a fait des constatations déraisonnables et contradictoires ; et elle n’a pas, comme il convient, appliqué les éléments constitutifs des modes de participation aux crimes, tels que la participation à l’entreprise criminelle commune et l’aide et l’encouragement, en accord avec la jurisprudence établie.
Parallèlement, nous considérons que la majorité s’est montrée déraisonnable en n’écartant pas la possibilité que le comportement criminel visé n’ait été qu’une contribution licite à l’effort de guerre, en dépit des nombreux éléments de preuve montrant le contraire. À notre avis, cela a amené la majorité à envisager, de manière déraisonnable, la possibilité que l’expulsion de civils ait été un geste humanitaire, que les discours incendiaires de haine aient été simplement destinés à renforcer le moral des forces serbes et que le déploiement de forces chargées du nettoyage ethnique ait été une mesure visant à protéger la population serbe. Au mépris du nombre considérable de crimes établis au procès, la majorité a conclu qu’il n’y avait pas eu d’attaque généralisée ou systématique dirigée contre la population civile dans des parties de la Croatie et de Bosnie-Herzégovine, élément requis pour les crimes contre l’humanité.
Comme pour tous les recours formés par mon bureau, nous allons mettre tout en œuvre pour garantir que notre appel dans l’affaire Šešelj est examiné de manière efficace et équitable, en accord avec les règles régissant la procédure d’appel devant le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux.