NGIRABATWARE, Augustin (MICT-19-121)

Affaires terminées

Acte d’accusation

L’acte d’accusation strictement confidentiel daté du 9 août 2019 a été confirmé par le Juge Vagn Joensen le 10 octobre 2019. Une version publique de l’Acte d’accusation a été déposée le même jour.

Juge unique devant le Mécanisme

M. le Juge Vagn Joensen

Stade de la procédure

Affaire terminée.

ACTE D’ACCUSATION

En vertu de l’article 1 4) a) du Statut et de l’article 90 du Règlement, le Mécanisme est habilité à enquêter sur les personnes soupçonnées d’outrage ou de faux témoignage dans des affaires d’outrage devant le Mécanisme, le TPIR ou le TPIY, et à poursuivre ces personnes, en première instance comme en appel. Quiconque entrave sciemment et délibérément l’administration de la justice, incite à commettre ou tente de commettre l’un quelconque des actes sanctionnés comme outrage au Mécanisme, au TPIY ou au TPIR, peut être déclaré coupable d’outrage.

L’acte d’accusation dressé contre Augustin Ngirabatware contient deux chefs d’outrage au TPIR et au Mécanisme et un chef d’incitation à commettre un outrage au TPIR et au Mécanisme. Le Juge Vagn Joensen l’a confirmé dans la Décision relative à la confirmation de l’acte d’accusation datée du 10 octobre 2019. L’Accusation a déposé une version publique de l’acte d’accusation le même jour.

L’Accusation allègue que, à partir d’août 2015 au moins jusqu’à septembre 2018, Augustin Ngirabatware, directement ou par l’intermédiaire de Maximilien Turinabo, d’Anselme Nzabonimpa, de Jean de Dieu Ndagijimana et/ou de Marie Rose Fatuma a cherché à faire pression sur des témoins pour qu’ils reviennent sur ce qu’ils avaient déclaré au procès, entravant ainsi le cours de la justice. En outre, ou dans l’alternative, l’Accusation allègue qu’Augustin Ngirabatware a délibérément et sciemment incité Maximilien Turinabo, Anselme Nzabonimpa, Jean de Dieu Ndagijimana et/ou Marie Rose Fatuma à commettre un outrage au TPIR et au Mécanisme. L’Accusation allègue en outre qu’Augustin Ngirabatware a délibérément divulgué des informations confidentielles et qu’il a eu des contacts non autorisés avec un témoin protégé en violation délibérée d’une ordonnance judiciaire

Le 24 août 2018, un juge unique du Mécanisme a confirmé l’acte d’accusation établi à l’encontre de Maximilien Turinabo, Anselme Nzabonimpa, Jean de Dieu Ndagijimana, Marie Rose Fatuma et Dick Prudence Munyeshuli (affaire Turinabo et consorts) pour outrage au TPIR et au Mécanisme et incitation à commettre un outrage au TPIR et au Mécanisme. Les accusations portées contre eux concernent les témoins protégés et se rapportent à une tentative concertée d’obtenir l’acquittement d’Augustin Ngirabatware au stade de la révision en entravant le cours de la justice. Cette procédure est en cours.

Les chefs d’accusation retenus contre Augustin Ngirabatware sont les suivants :

Chef 1 – Outrage au TPIR et au Mécanisme

  • Pressions exercées sur des témoins

Chef 2 – Incitation à commettre un outrage au TPIR et au Mécanisme

  • En outre, ou subsidiairement, incitation à commettre un outrage en exerçant des pressions sur des témoins protégés

Chef 3 - Outrage au TPIR et au Mécanisme

  • Fait d’avoir sciemment révélé l’identité de témoins protégés en violation d’ordonnances judiciaires
  • Fait d’avoir eu des contacts indirects non autorisés avec des témoins protégés en violation d’une ordonnance judiciaire

INFORMATIONS RELATIVES À L’AFFAIRE

ACTE D’ACCUSATION DÉPOSÉ DEVANT LE TPIR

Augustin Ngirabatware a été mis en accusation devant le TPIR pour les crimes d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, de complicité dans le génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, ainsi que d’extermination et de viol, constitutifs de crimes contre l’humanité, commis dans la préfecture de Gisenyi, au Rwanda, entre le 1er janvier et le 17 juillet 1994.

Il a été tenu individuellement pénalement responsable, au regard de l’article 6 1) du Statut du TPIR, d’avoir incité à commettre, ordonné, commis (y compris par sa participation à une entreprise criminelle commune) ou de toute autre manière aidé et encouragé différentes personnes à préparer ou exécuter les crimes qui lui étaient reprochés.

Dans l’acte d’accusation déposé devant le TPIR, il était également reproché à Augustin Ngirabatware d’être responsable, en tant que supérieur hiérarchique au regard de l’article 6 3) du Statut du TPIR, des crimes de génocide ou de complicité dans le génocide.

Un chef d’entente en vue de commettre le génocide*

Un chef de génocide

Un chef de complicité dans le génocide

Un chef d’incitation directe et publique à commettre le génocide

Deux chefs de crimes contre l’humanité

•    Extermination (chef 5)

•    Viol (chef 6)

*L’Accusation du TPIR a ensuite abandonné ce chef.

JUGEMENT DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE DU TPIR

Le 20 décembre 2012, la Chambre de première instance II du TPIR a déclaré Augustin Ngirabatware coupable d’incitation directe et publique à commettre le génocide, en se fondant sur le discours qu’il avait prononcé à un barrage routier sur la route reliant Cyanika à Gisa, dans la commune de Nyamyumba.

Elle l’a également déclaré coupable d’avoir incité et aidé et encouragé à commettre le génocide, en se fondant sur le rôle qu’il a joué dans la distribution d’armes et les paroles qu’il a prononcées à deux barrages routiers dans la commune de Nyamyumba, le 7 avril 1994. Elle l’a en outre déclaré coupable de viol constitutif de crime contre l’humanité à raison de sa participation à la forme élargie de l’entreprise criminelle commune, en se fondant sur le viol d’une femme tutsie par des miliciens Interahamwe.

La Chambre de première instance a condamné Augustin Ngirabatware à une peine d’emprisonnement de 35 ans.

ARRÊT DE LA CHAMBRE D’APPEL DU MÉCANISME

Contestant les déclarations de culpabilité et la peine prononcées contre lui, Augustin Ngirabatware a interjeté appel devant le Mécanisme.

Le 18 décembre 2014, la Chambre d’appel du Mécanisme a confirmé à l’unanimité la déclaration de culpabilité prononcée pour incitation directe et publique à commettre le génocide.

La Chambre d’appel a également confirmé, à la majorité des juges, la déclaration de culpabilité prononcée contre Augustin Ngirabatware pour avoir incité et aidé et encouragé à commettre le génocide. Elle a toutefois conclu que la Chambre de première instance du TPIR avait commis une erreur en élargissant la portée des accusations relatives à la contribution d’Augustin Ngirabatware à une entreprise criminelle commune visant à exterminer les Tutsis. Elle a en outre conclu que, l’Accusation n’ayant pas été en mesure d’établir la contribution apportée par Augustin Ngirabatware au but commun, à savoir l’extermination de la population civile tutsie, exposé au chef d’extermination, la déclaration de culpabilité prononcée contre Augustin Ngirabatware pour viol commis dans le cadre de la forme élargie de l’entreprise criminelle commune ne pouvait être confirmée. En conséquence, la Chambre d’appel a infirmé à l’unanimité la déclaration de culpabilité prononcée contre Augustin Ngirabatware pour viol constitutif de crime contre l’humanité commis dans le cadre de la forme élargie de l’entreprise criminelle commune.

Au vu de l’annulation de cette déclaration de culpabilité, la Chambre d’appel a ramené à 30 ans d’emprisonnement la peine imposée à Augustin Ngirabatware.

PROCÉDURE EN RÉVISION DEVANT LE MÉCANISME

Le 8 juillet 2016, Augustin Ngirabatware a déposé devant le Mécanisme une demande en révision de l’arrêt, au motif que les quatre témoins-clés dont les dépositions fondaient les déclarations de culpabilité prononcées contre lui étaient revenus sur ce qu’ils avaient déclaré au procès. Le 25 juillet 2016, le Juge Theodor Meron, Président du Mécanisme, a désigné le collège de juges de la Chambre d’appel qui serait chargé de statuer sur la demande en révision.

Le 19 juin 2017, la Chambre d’appel a rendu une décision par laquelle elle a fait droit à la demande en révision de l’arrêt déposée par Augustin Ngirabatware et dit qu’il convenait de tenir une audience pour permettre aux parties de produire des éléments de preuve corroborant ou réfutant le fait nouveau .L’audience en révision a ensuite été différée deux fois en raison du remplacement du conseil d’Augustin Ngirabatware en décembre 2017 et de la communication en septembre 2018 de nombreux documents liés à l’affaire Turinabo et consorts.

Le procès en révision s’est tenu du 16 au 24 septembre 2019. Augustin Ngirabatware a appelé six témoins à la barre. À l’issue de la présentation des moyens d’Augustin Ngirabatware, la Chambre d’appel a entendu les arguments oraux des parties afin de déterminer si Augustin Ngirabatware avait présenté suffisamment d’éléments de preuve dignes de foi pour établir le fait nouveau. Le 24 septembre 2019, la Chambre d’appel a décidé qu’Augustin Ngirabatware n’avait pas présenté de tels éléments et qu’il n'était pas nécessaire d’entendre les moyens en réfutation du Procureur.

Dans l’arrêt de révision qu’elle a prononcé le 27 septembre 2019, la Chambre d’appel a rejeté la tentative d’Augustin Ngirabatware de démontrer, au cours de la procédure en révision, que les quatre témoins-clés dont les dépositions fondaient les déclarations de culpabilité prononcées contre lui pour incitation directe et publique à commettre le génocide et pour avoir incité au génocide et l’avoir aidé et encouragé étaient honnêtement revenus sur leurs témoignages. La Chambre d’appel a dit que l’arrêt par lequel Augustin Ngirabatware avait été condamné à 30 ans d’emprisonnement pour ces crimes restait exécutoire.