Allocution du Procureur Serge Brammertz devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), Serge Brammertz, a prononcé aujourd’hui une allocution devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.
Il a commencé par faire un point sur les quelques procédures en cours devant le Mécanisme, à savoir l’appel dans l’affaire Mladić, le nouveau procès en première instance dans l’affaire Stanišić et Simatović, la mise en état de l’affaire d’outrage Turinabo et consorts, et la procédure en révision dans l’affaire Ngirabatware.
Le Procureur a informé le Conseil de sécurité que le Bureau du Procureur du Mécanisme avait convaincu la Chambre d’appel de rejeter la demande en révision présentée par Augustin Ngirabatware, un ancien ministre rwandais qui, en 2014, a été déclaré coupable d’incitation à commettre le génocide et pour avoir incité au génocide et l’avoir aidé et encouragé. Il a expliqué que son Bureau avait mis au jour et présenté de multiples preuves d’un vaste projet criminel auquel de nombreuses personnes ont participé pendant trois ans, consistant à faire pression sur des témoins dans le but de faire infirmer les déclarations de culpabilité prononcées contre Ngirabatware. Le Procureur a également informé le Conseil que six personnes étaient désormais mises en accusation par son Bureau pour ces infractions, dont Ngirabatware lui‑même. Serge Brammertz a dit à ce propos : « Cet aboutissement prouve bien aux témoins qui ont déposé devant le TPIR, le TPIY ou le Mécanisme qu’ils continuent de bénéficier de la protection du Mécanisme. »
Le Procureur a ensuite évoqué devant le Conseil de sécurité la recherche des huit personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda encore en fuite, en commençant par ces mots : « Je dois malheureusement vous dire aujourd’hui que nous n’obtenons pas de certains États Membres la coopération dont nous avons besoin. » Il a informé le Conseil que l’Afrique du Sud, qui a été avertie en août 2018 qu’un fugitif avait été localisé sur son territoire, n’a toujours pas arrêté ce fugitif. S’il a salué l’annonce faite par l’Afrique du Sud la semaine dernière qu’elle allait finalement faire exécuter le mandat d’arrêt, le Procureur a néanmoins souligné qu’« [à] ce stade tardif, seule l’arrestation immédiate du fugitif pourra satisfaire les victimes et le Conseil de sécurité ». Parlant d’autres fugitifs, il a fait remarquer que nombre de demandes importantes et ayant un caractère d’urgence faites à certains États Membres restent sans réponse, bien que son Bureau produise des renseignements précieux à même d’ouvrir des pistes, et que son Bureau n’a pas accès aux personnes et aux informations dont il a besoin. Le Procureur a conclu en ces termes : « Le Conseil de sécurité a exhorté à maintes reprises les États Membres à apporter toute la coopération nécessaire dans la recherche des fugitifs. Hélas, ce message n’est pas entendu par certains États. » Il a demandé au Conseil d’envoyer un message clair et de rappeler à tous les États Membres que la recherche des fugitifs est toujours cruciale aujourd’hui.
Le Procureur a terminé son allocution en abordant devant le Conseil de sécurité les efforts entrepris à l’échelle nationale, au Rwanda et dans les pays issus de la Yougoslavie, pour rendre justice au plus grand nombre de victimes. Il a fait observer qu’il restait encore beaucoup à faire, étant donné que les autorités rwandaises recherchent toujours plus de 500 fugitifs et que, dans les pays issus de la Yougoslavie, des milliers d’affaires doivent encore être jugées devant les juridictions nationales. Le Procureur a de nouveau fait état devant le Conseil de la glorification des criminels de guerre et du déni des crimes qu’on observe au Rwanda et dans les pays issus de la Yougoslavie. Au sujet du Rwanda, il a signalé la persistance d’initiatives concertées visant au déni du génocide rwandais, qui s’appuient sur la propagation de récits révisionnistes et le déni de l’intention génocidaire des auteurs. Au sujet de l’ex‑Yougoslavie, il a rappelé que le déni des crimes et la glorification des criminels de guerre étaient des phénomènes généralisés dans toute la région. Le Procureur a expliqué que la manière d’agir des responsables politiques était révélatrice de la profondeur du problème : « Ce n’est pas en promettant la réconciliation, ni en jetant des ponts vers les autres communautés, qu’ils cherchent à acquérir des voix. Ils croient au contraire gagner les élections en niant les atrocités commises et en glorifiant ceux qui en sont responsables. Certains promeuvent des versions révisionnistes de l’histoire, tandis que d’autres essaient d’obtenir des voix en rendant hommage aux criminels de guerre plutôt qu’en les blâmant. »