Allocution du Procureur Brammertz devant le Conseil de sécurité de l’ONU

Procureur
Arusha, La Haye
Allocution du Procureur Brammertz devant le Conseil de sécurité de l’ONU

Aujourd’hui, Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), a pris la parole devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour présenter les travaux du Bureau du Procureur (le « Bureau »).

Il a commencé par informer le Conseil de sécurité de l’évolution des dernières affaires en première instance et en appel jugées devant le Mécanisme. Le Procureur Brammertz a souligné l’avancement rapide de la présentation des moyens à charge dans le procès en première instance dans l’affaire Kabuga. Il a annoncé que, sous réserve de l’évolution du procès, l’Accusation prévoyait d’achever la présentation de ses moyens au deuxième trimestre de 2023, et que le procès en appel dans l’affaire Stanišić et Simatović devrait avoir lieu à la fin du mois de janvier 2023.

Le Procureur a également informé le Conseil de sécurité au sujet de l’arrêt prononcé dans l’affaire Fatuma et consorts. Il s’est félicité du fait que la tentative d’Augustin Ngirabatware d’influencer des témoins en vue d’obtenir l’annulation des déclarations de culpabilité pour génocide prononcées contre lui avait été mise au jour et déjouée. Il a ajouté ce qui suit : « Nous avons bon espoir que la poursuite de ces infractions servira à décourager toute tentative similaire dans l’avenir. »

S’agissant de la recherche des derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (le « TPIR »), le Procureur Brammertz a fait savoir au Conseil de sécurité que la coopération avec l’Afrique du Sud était aujourd’hui sur la bonne voie. Il a en outre salué le soutien infaillible du Gouvernement rwandais.

Le Procureur a ensuite appelé l’attention du Conseil de sécurité sur le fait que plus d’un millier de fugitifs sont recherchés par les autorités rwandaises pour des crimes commis pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Il a expliqué que, dans le cadre de sa recherche des quatre derniers fugitifs du TPIR, le Bureau avait découvert certains de ces autres fugitifs dans différents pays partout dans le monde. Il a précisé que, « [p]our se soustraire à la justice, ils [avaie]nt menti sur leur passé et détourné les procédures de demande du statut de réfugié » et que, « [à] l’endroit où ils se sont établis, nombreux [étaie]nt ceux qui continu[ai]ent de promouvoir l’idéologie du génocide ». Le Procureur Brammertz a lancé un appel à la communauté internationale afin qu’elle aide le Rwanda à retrouver tous les fugitifs soupçonnés de génocide.

S’agissant des poursuites par les parquets nationaux des crimes perpétrés pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et les conflits en ex-Yougoslavie, le Procureur Brammertz a rappelé au Conseil de sécurité que des milliers d’affaires demeuraient pendantes devant les juridictions nationales. Il a expliqué que les procureurs nationaux continuaient de compter sur l’assistance essentielle du Bureau, et que cette tendance se confirmerait dans les années à venir.

En ce qui concerne l’ex-Yougoslavie, le Procureur a souligné que « l’enjeu le plus important demeur[ait] la coopération judiciaire dans la région », qui est « essentielle car, aujourd’hui, il n’est pas rare que les victimes et les auteurs de crimes ne vivent pas dans le même pays ». Il a fait observer que, si une amélioration se manifeste dans la coopération entre la Bosnie‑Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, « les procureurs de cette région [ont] signal[é] que la Croatie ne coop[érait] pas comme ils le voudraient dans des affaires mettant en cause des suspects croates ».

Le Procureur Brammertz a expliqué que les autorités croates lui avaient fait savoir que l’instruction des affaires concernant des ressortissants de leur pays et leur poursuite étaient une question de sécurité nationale. « Cette position, a-t-il dit, vient politiser la justice, alors qu’il ne devrait s’agir que d’une question de droit et d’évaluation judiciaire impartiale des éléments de preuve. » Il a fait remarquer ce qui suit : « Avant de devenir membre de l’Union européenne, la Croatie jouait un rôle de premier plan dans la promotion de la justice et d’une coopération judiciaire régionale efficace. Il est regrettable que ce ne soit plus le cas. » Le Procureur s’est engagé à poursuivre le dialogue avec les autorités croates.

Le Procureur a signalé une fois de plus la persistance, dans les pays de l’ex-Yougoslavie, de la négation des crimes de guerre et de la glorification des criminels de guerre condamnés. Dans tous les pays, les dirigeants politiques hauts placés remettent en question les faits liés aux crimes commis, font l’éloge de criminels de guerre condamnés et instaurent un climat de négation et de glorification.

Le Procureur a précisé qu’il « ne s’agi[ssai]t pas là des paroles ou d’actes de marginaux, mais des centres politiques et culturels des sociétés de la région ». Il a invité tous les responsables et toutes les personnalités publiques de la région à faire preuve de responsabilité.

En conclusion, le Procureur Brammertz a exprimé la reconnaissance du Bureau pour le soutien apporté par le Conseil de sécurité.