Allocution du Procureur, Serge Brammertz, devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Serge Brammertz, le Procureur du Mécanisme appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), a pris la parole aujourd’hui devant le Conseil de sécurité de l’ONU au sujet des travaux du Bureau du Procureur.
Le Procureur a axé son intervention sur les événements récents survenus depuis la remise de son rapport écrit le 15 mai 2023.
Il a commencé par donner des informations au Conseil de sécurité sur l’arrestation réussie du fugitif rwandais Fulgence Kayishema le 23 mai à Paarl (Afrique du Sud), déclarant que « [l]’arrestation de Fulgence Kayishema constitu[ait] un moment phare dans les efforts déployés dans le monde entier pour punir les auteurs de génocide ».
Il a observé que l’arrestation d’un fugitif « redonn[ait] foi en la justice internationale », dans la mesure où, pour les victimes et les rescapés des crimes de Fulgence Kayishema, « [l]a réparation des injustices causées il y a 30 ans p[ouvai]t commencer ». De plus, cette arrestation a démontré une fois encore la « détermination [de la communauté internationale] pour que le génocide soit réprimé et puni ».
Le Procureur Serge Brammertz a en outre souligné le rôle décisif des États Membres de l’ONU dans l’enquête et l’arrestation. Il a informé le Conseil de sécurité que le Bureau du Procureur « a[vait] bénéficié du soutien plein et sans réserve des autorités sud‑africaines, qui ont établi un groupe de travail opérationnel pour appuyer [ses] investigations ». Il a également salué le soutien apporté par l’Eswatini, dont les autorités ont fait preuve d’un investissement et d’une coopération exceptionnels, ainsi que le Mozambique, dont la Procureur générale a offert le soutien total de son bureau. Il a précisé que les autorités rwandaises avaient comme toujours « énormément contribué à [ce] succès ».
Au nom du Bureau du Procureur, Serge Brammertz a exprimé « sa plus grande gratitude à ces pays et aux autres pays qui ont coopéré à [l’] enquête ». Il a ajouté : « Les difficultés étaient immenses, et ce n’est que parce que nous avons travaillé si étroitement ensemble que Fulgence Kayishema a finalement pu être localisé et arrêté ».
Le Procureur Serge Brammertz a ensuite donné au Conseil de sécurité des informations sur l’arrêt rendu récemment dans la dernière affaire initiée par le TPIY, l’affaire Stanišić et Simatović. Il a fait remarquer que la Chambre d’appel avait retenu les arguments avancés par le Bureau du Procureur et avait conclu que les deux accusés étaient pénalement responsables, en tant que membres d’une entreprise criminelle commune, d’un plus grand nombre de crimes en Bosnie‑Herzégovine. Jovica Stanišić et Franko Simatović partageaient l’intention, avec d’autres dirigeants serbes, serbes de Croatie et serbes de Bosnie, de procéder à un nettoyage ethnique en chassant les non-Serbes de vastes portions du territoire de la Croatie et de la Bosnie‑Herzégovine. Ils ont en outre contribué à la mise en œuvre de l’entreprise criminelle commune de plusieurs manières importantes, en particulier en soutenant des groupes paramilitaires tristement célèbres.
Le Procureur a fait sur ce résultat la réflexion suivante : « Ce jugement conclut de manière appropriée les travaux du TPIY. En 30 ans d’activité, nous avons été en mesure de juger avec succès de hauts responsables politiques, militaires et de la police, issus de toutes les parties au conflit. Nous avons apporté la preuve que l’établissement des responsabilités pour la commission des crimes internationaux les plus graves est possible, tout en laissant également en héritage une trace de ce qui s’est passé ».
Le Procureur Serge Brammertz a également évoqué la décision rendue récemment dans l’affaire Kabuga. Il a précisé que la décision n’était pas encore définitive et qu’elle ferait certainement l’objet d’un appel, et a déclaré : « Je peux dire à ce stade que mon Bureau considère que le procès contre Félicien Kabuga peut et doit être mené à terme dans le respect des droits de l’accusé ».
Envisageant l’avenir, le Procureur Serge Brammertz a informé le Conseil de sécurité que « le Mécanisme prépar[ait] activement son avenir en tant qu’institution véritablement résiduelle ». À cet égard il a expliqué que, pour le Bureau du Procureur, dans les années à venir : « [I]l s’agira en particulier de mener à bien la tâche confiée en vertu de l’article 28 3) du Statut, consistant à aider les juridictions nationales à poursuivre le processus d’établissement des responsabilités pour les crimes internationaux commis au Rwanda et sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ». Il a fait remarquer qu’« il ne fait aucun doute que la justice doit encore beaucoup progresser au niveau national », et a souligné qu’au Rwanda « plus d’un millier de fugitifs d[evaient] encore être poursuivis », tandis que, en ex-Yougoslavie, « les procureurs nationaux d[evaient] encore traiter plusieurs milliers d’affaires ». Le Bureau du Procureur « joue un rôle décisif en soutenant ce processus continu d’établissement des responsabilités », par lequel « les États Membres [prennent] eux-mêmes l’initiative d’œuvrer en faveur de plus de justice et de promouvoir la paix ».
En conclusion, le Procureur Serge Brammertz a rappelé au Conseil de sécurité que le déni du génocide et la glorification des criminels de guerre restaient très préoccupants, et a déclaré : « La communauté internationale est déterminée à traduire les criminels de guerre en justice. Elle devrait être tout aussi attachée à promouvoir la vérité à l’issue des procès qui se tiendront. »