Témoins
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) doivent très largement leurs réalisations à la volonté des victimes et des témoins de déposer et de coopérer avec eux. Le Mécanisme, qui est chargé de préserver leur héritage, accorde la plus haute importance au maintien des services liés à la protection et au bien‑être des victimes et des témoins devant lui.
Chaque division du Mécanisme dispose d’un Service d’appui et de protection des témoins indépendant. Chargé de la protection et du soutien des témoins, il prend en compte la nature du conflit, ainsi que la situation géographique et l’environnement culturel dans lesquels il fonctionne.
Le Service d’appui et de protection des témoins de la division d’Arusha est entré en fonction le 1er juillet 2012, tandis que le service de la division de La Haye a commencé ses travaux auprès de témoins le 1er juillet 2013.
Chaque service opère par l’intermédiaire de son antenne respective, au Rwanda et en Bosnie‑Herzégovine.
Mandat
L’article 20 du Statut du Mécanisme confie au Mécanisme la responsabilité de la protection des victimes et des témoins devant le TPIY, le TPIR et le Mécanisme. Le TPIR et le TPIY ayant fermé leurs portes respectivement en 2015 et en 2017, le Mécanisme prend désormais en charge toutes les fonctions relatives à la protection des victimes et des témoins dans le cadre d’affaires menées à terme par les deux Tribunaux et dans le cadre d’affaires dont il est saisi.
Le Mécanisme est résolu à garantir la sécurité des victimes et des témoins dont il est responsable en continuant à utiliser un certain nombre de mesures de protection, telles que la non-divulgation de l’identité du témoin, la tenue d’audiences à huis clos, et d’autres mesures appropriées en vue de faciliter le témoignage d’une victime ou d’un témoin vulnérable, comme l’utilisation d’un circuit de télévision fermé unidirectionnel. Dans certains cas exceptionnels, le Mécanisme peut également prendre des mesures de protections extrajudiciaires, telles que la réinstallation temporaire ou permanente de témoins, lorsque les parties à l’affaire ou les témoins eux‑mêmes en font la demande.
Le Mécanisme s’acquitte de sa mission et fournit à toutes les victimes et à tous les témoins un appui et une protection permanentes, grâce à son Service d’appui et de protection des témoins, créé en vertu de l’article 32 du Règlement de procédure et de preuve et guidé par la Directive pratique sur la fourniture de services d’appui et de protection aux victimes et aux témoins, adoptée le 26 novembre 2019.
Le Service d’appui et de protection des témoins fournit des services relatifs à l’évaluation et à la mise en œuvre de mesures de protection judiciaires et, si nécessaire, extrajudiciaires, conformément à l’article 20 du Statut. Le Service d’appui et de protection des témoins examine toutes les demandes séparément et prend des mesures en fonction du niveau de risque auquel le témoin pourrait se trouver confronté du fait de son témoignage. Il utilise alors des stratégies innovantes de réduction des risques, par exemple en donnant aux témoins des conseils leur permettant d’assurer leur sécurité, ou en facilitant l’assistance des organes de sécurité et des autorités au niveau national ou local pour qu’ils répondent aux préoccupations du témoin dans son pays de résidence.
Essentiel au devoir de protection du Mécanisme, le Service d’appui et de protection des témoins fournit une assistance aux témoins devant le Mécanisme avant, pendant, et après leur déposition. Dans la mesure du possible, le service fait en sorte que la déposition ne donne pas lieu à d’autres douleurs, souffrances ou traumatismes. Il établit et maintient un contact régulier avec les témoins, à qui il fournit des informations fondamentales concernant leur témoignage, leurs droits, leurs obligations et leurs droits à prestations. Comme le fait de témoigner peut constituer une expérience difficile pour de nombreuses victimes et de nombreux témoins, des mesures de soutien psychologique et social sont prévues pour garantir, dans la mesure du possible, le bien‑être psychologique et physique des victimes et des témoins ayant comparu devant les Tribunaux ou devant le Mécanisme. Le Service d’appui et de protection des témoins est également responsable des déplacements des témoins entre leurs pays de résidence et le siège de la division du Mécanisme qui les concerne. Il contribue à faciliter la comparution des témoins devant le Mécanisme en les aidant à organiser leur venue, selon leur disponibilité, notamment en prenant les dispositions nécessaires à leur voyage.
Le Service d’appui et de protection des témoins adopte une approche sexospécifique pour l’ensemble des mesures de soutien et de protection des victimes et des témoins, notamment en leur fournissant accompagnement psychologique et assistance médicale. Il apporte un soin tout particulier aux victimes de viols et de violences sexuelles.
Le succès des services de protection et de soutien fournis par les deux Tribunaux et le Mécanisme peut être évalué à l’aune des statistiques récentes relatives au nombre de témoins ayant bénéficié de telles mesures de la part de leur Tribunal respectif. Beaucoup ont pu bénéficier d’une aide médicale et psychologique visant à les aider à surmonter le traumatisme de la guerre et du génocide.
Division d’Arusha
Le Service d’appui et de protection des témoins à Arusha garantit la continuité des fonctions liées à la protection et au soutien des témoins qui ont déposé devant le TPIR et de ceux qui sont susceptibles de déposer devant la division du Mécanisme à Arusha. Près de 2 200 témoins ont déposé devant le TPIR, contribuant ainsi à aider le Tribunal à accomplir sa mission, celle de juger les personnes présumées responsables de génocide et de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et dans les États voisins en 1994. La division du Mécanisme à Arusha fournit actuellement une assistance à environ 1 500 témoins du TPIR et du Mécanisme, certains des témoins étant décédés. Près de 88 % des témoins ont actuellement entre 35 et 70 ans. Vingt-trois pour cent sont des femmes.
Protection
Un aspect essentiel de la mission du Service d’appui et de protection des témoins à Arusha consiste à faciliter les mesures de protection. Ces mesures sont prises afin de réduire les risques liés au témoignage et afin de faire en sorte que l’expérience du témoignage soit la moins traumatisante ou la moins pénible possible. Quatre-vingt-quatre pour cent des témoins, parmi lesquels des détenus, ont bénéficié de mesures de protection ordonnées par des Chambres de première instance, et ont témoigné dans le cadre de différents procès. Les 16 % restants, qui ont déposé sans mesures de protection, sont des experts, des témoins non protégés, dont des détenus, et des témoins ayant renoncé à bénéficier de ces mesures. Par exemple, 77 témoins ont déposé par voie de vidéoconférence et 69 ont fait des déclarations en vertu de l’article 92 bis du Règlement de procédure et de preuve du TPIR. Plusieurs témoins ont également bénéficié de mesures de réinstallation.
Soutien médical et psychosocial
Afin de s’acquitter de sa mission d’aide et de protection des témoins, avant, pendant et après leur déposition, le Service d’appui et de protection des témoins à Arusha fournit aux témoins résidant sur le territoire du Rwanda ou hors du pays des services de soutien médical et psychologique fondamentaux. De tels services renforcent les mesures de protection qui, à elles-seules, ne peuvent suffire face au traumatisme vécu par les victimes et les témoins. Ils visent également à créer un environnement dans lequel le fait de témoigner peut constituer une expérience positive et enrichissante. Le soutien apporté, en particulier aux victimes de violences sexuelles, constitue un élément clé pour parvenir de façon plus générale à la guérison et à la réconciliation.
Au Rwanda, où résident la grande majorité des témoins, le Service d’appui et de protection des témoins est relayé par son antenne à Kigali. Anciennement dépendante du TPIR, l’antenne de Kigali, créée en 2004, continue à fournir, grâce à la clinique du Service d’appui et de protection des témoins, un soutien essentiel aux témoins qui souffrent de troubles psychologiques et physiques chroniques causés par le génocide, à l’exemple de témoins femmes ayant contracté le VIH/SIDA après avoir été violées. Au cours de sa première année, l’antenne de Kigali a fourni un traitement à 211 victimes et témoins. Actuellement, près de 995 victimes/témoins se rendent régulièrement à la clinique du Service d’appui et de protection des témoins. En moyenne, 250 à 300 consultations ont lieu chaque mois dans cette clinique. De février 2004 à novembre 2018, quelque 35 000 consultations y ont eu lieu. L’antenne soutient 112 victimes et témoins vivant avec le VIH/SIDA.
Pendant le mandat du TPIR, l’antenne de Kigali constituait la première étape pour toutes les victimes et pour tous les témoins habitant au Rwanda et venant témoigner devant le TPIR. L’antenne déterminait si les témoins étaient prêts et en suffisamment bonne santé pour parcourir les quelque 750 kilomètres séparant Kigali du Tribunal ou de la division du Mécanisme à Arusha, en Tanzanie. L’antenne de Kigali continue à s’acquitter de cette fonction pour le Mécanisme.
Division de La Haye
Le Service d’appui et de protection des témoins à La Haye assure la continuité des fonctions liées à la protection et au soutien des témoins qui ont déposé devant le TPIY et de ceux qui pourraient déposer devant le Mécanisme. Quelque 4 700 témoins ont déposé devant le TPIY, qu’ils ont ainsi aidé à s’acquitter de la mission de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie depuis 1991, laquelle lui a été est confiée lors de sa création en vertu de la résolution 827 du Conseil de sécurité (25 mai 1993). Ce nombre comprend les témoins qui ont déposé à multiple reprises, ou ont témoigné à multiple reprises par voie de vidéoconférence, et les personnes qui sont intervenues comme accompagnateurs. Environ 72 % des témoins ont actuellement entre 41 et 70 ans, et 13 % d’entre eux sont des femmes.
Services de protection
La facilitation des mesures de protection constitue un aspect essentiel de la mission du Service d’appui et de protection des témoins à La Haye également. Environ 30 % des témoins, parmi lesquels des détenus, ont reçu des mesures de protection ordonnées par des Chambres de première instance, et ont témoigné dans le cadre de différents procès. Cent quatre-vingt-sept témoins ont par exemple déposé par voie de vidéoconférence, et près de 2 000 en faisant des déclarations en vertu de l’article 92 bis et ter du Règlement de procédure et de preuve du TPIY. Un petit pourcentage de témoins a bénéficié de mesure de réinstallation. Ces mesures ont été jugées nécessaires pour faciliter le témoignage de victimes et de témoins vulnérables, pour protéger leur vie privée et pour garantir leur protection.
Services de soutien social et psychosocial
Le Service d’appui et de protection des témoins à La Haye continue de fournir aux témoins un soutien pratique et psychologique adapté au besoin de chacun, notamment sous forme de conseils. Le service travaille avec la plus grande intégrité, impartialité et confidentialité. Il veille à ce que tous les témoins soient informés de leurs droits et de leurs droits à prestations, et à ce qu’ils aient un même accès aux services de protection et d’aide. Outre le fait qu’il fournit aux témoins un soutien professionnel direct de haut niveau, le Service d’appui et de protection des témoins défend les besoins des témoins au sein de l’institution judiciaire en faisant de leurs droits une priorité.
Le Service d’appui et de protection des témoins à La Haye est secondé par un bureau de liaison à Sarajevo, qui joue un rôle essentiel en permettant aux victimes et aux témoins de l’ex‑Yougoslavie d’accéder plus facilement et plus largement aux services de protection et de soutien de la division de La Haye.
Le Service d’appui et de protection des témoins à La Haye a élaboré un certain nombre d’outils pour faire face aux difficultés rencontrées par les témoins après avoir déposé. Le bureau de liaison de Sarajevo a ainsi mis en place un réseau d’agences internationales et nationales, notamment des ONG établies dans la région et dans d’autres cantons, auprès de qui les témoins peuvent être invités à s’adresser pour bénéficier d’une aide juridique ou sociale. Le fait d’identifier et d’entretenir de nouveaux contacts dans la région contribue de façon importante au renforcement de l’efficacité et de la qualité des travaux du Service d’appui et de protection des témoins.
Écho des témoignages : un projet de recherche unique (données)
Pour mieux comprendre ce que cela représente de témoigner, la Section d’aide aux victimes et aux témoins du TPIY et le Castleberry Peace Institute de l’université de North Texas (UNT) ont mené conjointement une étude pilote sur les effets à long terme sur les témoins de leur déposition devant le TPIY.
Pour en savoir plus et télécharger les données (information disponible en albanais, en anglais et en B/C/S), cliquez ici.