Allocution du Procureur, Serge Brammertz, devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le « Mécanisme »), Serge Brammertz, a prononcé aujourd’hui une allocution devant le Conseil de sécurité de l’ONU.
Il a commencé par faire un point sur les quelques procès en première instance et en appel conduits devant le Mécanisme, à savoir les appels dans les affaires Karadžić et Mladić, le nouveau procès dans l’affaire Stanišić et Simatović et la mise en état de l’affaire d’outrage Turinabo et consorts. Au sujet de l’arrêt rendu dans l’affaire Karadžić, par lequel la Chambre d’appel du Mécanisme a confirmé les déclarations de culpabilité prononcées en première instance contre Radovan Karadžić et alourdi sa peine en le condamnant à l’emprisonnement à vie, le Procureur a déclaré : « Cette affaire démontre avec force que si la communauté internationale reste déterminée, la justice peut l’emporter — et l’emportera. »
Le Procureur a ensuite informé le Conseil de sécurité de l’état d’avancement de la recherche des huit personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda encore en fuite. Il a fait savoir au Conseil que, pendant la période écoulée, son Bureau avait recueilli des renseignements crédibles sur les endroits où plusieurs fugitifs se trouvent actuellement, et pris contact en conséquence avec un certain nombre d’États Membres pour obtenir leur coopération. Il a cependant fait observer qu’un certain nombre de questions relevant de la coopération des États contrariaient les efforts déployés par son Bureau pour que les fugitifs soient arrêtés. Le Procureur a souligné à ce propos : « Cette année a été celle de la 25e commémoration du génocide rwandais. Il est temps que les derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR soient traduits en justice. Les victimes ont attendu bien trop longtemps. »
S’agissant des efforts déployés à l’échelle nationale au Rwanda et dans les pays issus de la Yougoslavie pour que justice soit rendue au plus grand nombre de victimes, le Procureur a signalé que les autorités rwandaises recherchent toujours plus de 500 fugitifs, tandis que dans les pays issus de la Yougoslavie, les juridictions nationales doivent encore traiter des milliers d’affaires. Faisant remarquer que, l’année passée, son Bureau avait reçu 333 demandes d’assistance visant à obtenir des éléments de preuve, soit plus que jamais auparavant, le Procureur a expliqué : « Nos homologues nationaux s’accordent tous à dire qu’ils ont besoin de davantage de soutien, d’assistance et de conseils pour mettre pleinement en œuvre les stratégies nationales en matière de crimes de guerre. » Concernant la coopération judiciaire régionale entre les pays issus de la Yougoslavie, qui a pris une mauvaise direction ces dernières années, le Procureur a déclaré : « Je suis heureux d’annoncer qu’avec le soutien de mon Bureau, les procureurs généraux de la région sont convenus, à la conférence qui s’est tenue récemment à Belgrade, que certaines affaires concernant des responsables de rang intermédiaire seraient transférées par les pays où les crimes ont été commis à ceux où les suspects résident actuellement. Les procureurs généraux ont en outre demandé à mon Bureau de faciliter ce processus. »
Enfin, le Procureur a une nouvelle fois informé le Conseil de sécurité que la glorification des criminels de guerre et le déni des crimes persistaient au Rwanda et dans les pays issus de la Yougoslavie. Au sujet du Rwanda, il a déclaré : « Il est inacceptable de minimiser le nombre de morts et l’ampleur des destructions ou de mettre l’accent sur d’autres facteurs pour détourner l’attention des faits relatifs au génocide. » Pour ce qui est des pays issus de la Yougoslavie, il a insisté sur le fait que « le déni des crimes fait profondément souffrir les victimes » et que « la glorification des criminels sanctionne les jeunes » en « les divisant au lieu de les rassembler ». Il a déclaré en conclusion : « En se cantonnant dans l’attentisme alors que les crimes étaient commis au Rwanda et en ex‑Yougoslavie, la communauté internationale a failli à ses devoirs envers tous ceux qui ont été victimes de ces crimes. Nous ne pouvons pas y faillir de nouveau en nous abstenant maintenant de nous élever contre le déni des crimes et la glorification des criminels. »